gilles la petite cheminée

Le 26 février 2014
Une étudiante et actrice porno répond à ceux qui la harcèlent

Insultée par ses camarades de fac car elle est actrice porno, une étudiante américaine leur répond par une magnifique réflexion féministe.

Une étudiante et actrice porno répond à ceux qui la harcèlent
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Lauren A. est étudiante dans une université américaine. Pour payer ses frais de scolarité, elle est aussi actrice porno. Un travail qui la satisfait pleinement, mais qui est mal accepté socialement et qu’elle cachait à ses camarades. Mais un jour, en revenant de vacances, elle a compris qu’elle avait été découverte. Elle raconte son histoire sur le site xoJane :

Je me suis mise à trembler d’incrédulité et de crainte. Je savais ce qui allait venir ensuite : peur, humiliation, honte, menaces, insultes.

Ce à quoi je ne m’attendais pas était que je serais brutalement harcelée en ligne. Je ne m’attendais pas à ce que chaque détail privé de ma vie soit disséqué. Je ne m’attendais pas à ce que mon intelligence et mon éthique au travail soient remises en question et critiquées. Et je ne m’attendais certainement pas à ce que des informations extrêmement personnelles concernant mon identité et mon adresse soient dévoilées sur les « tableaux des potins » de ma fac.

On m’a traité de « salope qui a besoin d’apprendre les conséquences de ses actes », de « putain de grosse pute » et, peut-être le plus blessant, de « petite fille qui ne comprend pas ce qu’elle fait ».

Soyons clairs : je sais exactement ce que je fais. Et vous ?

Toute ma vie on m’a dit, comme à des millions d’autres filles, que le sexe était un acte dégradant et honteux. Quand j’avais 5 ans et que j’ai commencé à découvrir les merveilles de mon corps, ma mère, complètement horrifiée, m’a dit que si je me masturbais mon sexe allait tomber.

L’idée la plus frappante dans laquelle on m’a endoctrinée est que le sexe serait quelque chose que les femmes « ont » mais qu’elle ne devraient pas « céder » trop vite – comme s’il y avait une dose fixe de sexe dans chaque femme et que le sexe était quelque chose qu’elle fait pour un homme, qui requière forcément qu’elle perde quelque chose d’elle-même, et qu’elle doit donc être très prudente sur la personne à qui elle le « donne ».

Le lavage de cerveau sociétal dicte que la sexualité et le sexe « réduisent » les femmes, tandis que les hommes sont à peine d’innocents acteurs qui le reçoivent. Par extension, notre virginité ou abstinence influe sur le type de personnes que nous sommes – une bonne ou une mauvaise personne, une bonne ou une mauvaise femme.

La capacité des femmes à être des actrices de la société à part entière dépend de leur sexualité. C’est, honnêtement, insensé.

Stoya, actrice pornographique et passionnée d’informatique depuis son enfance (Image CC BY-SA 2.0 Michael Dorausch)

La dichotomie « vierge/putain » est un standard insidieux que nous avons injustement placé sur les femmes. Les femmes sont censées être pures et pudiques en apparence, tout en étant sexuellement attirantes et disponibles. Si une femme ne couche pas après un rendez-vous, elle sera qualifiée de prude. Si elle couche, elle se fera plus tard traiter de pute ou de salope.

La société impose donc des normes dans lesquelles les femmes ne peuvent pas gagner.

Dans ce contexte, nous devons nous demander pourquoi les travailleuses du sexe sont si sévèrement stigmatisées. Pourquoi nous les excluons des emplois, de l’éducation et de la société traditionnelle.

Pourquoi les méprisons-nous, les menaçons-nous et les harcelons-nous ?

Pourquoi nions-nous que ce sont des personnes ?

Pourquoi est-ce que l’idée d’une femme ayant des expériences sexuelles nous effraie autant ?

La réponse est simple.

La sexualité féminine effraie le patriarcat.

L’idée même qu’une femme pourrait prendre le contrôle de son propre corps, et le revendiquer, nous terrifie. Nous considérons les femmes à leur place lorsqu’elles sont soumises à la sexualité des hommes. Nous voulons leur ôter leur autonomie, leur capacité à faire des choix. Nous voulons les oppresser, les maintenir dépendantes du patriarcat.

Une femme qui transgresse la norme, et prend le contrôle de son propre corps (parce que c’est ça, le porno, peu importe à quel point le sexe y est sauvage), menace ostensiblement les normes genrées bien fermement plantées dans notre société, qui la divisent.

J’en ai bien conscience : la menace que je représente pour le patriarcat est puissante. Qu’une femme puisse être intelligente, faire des études et CHOISIR d’être une travailleuse du sexe est quasiment incompréhensible.

C’est intéressant de voir que le porno, une industrie à plusieurs milliards de dollars, est consommé par des millions de personnes, des femmes comme des hommes (et tous les autres genres tout aussi merveilleux), mais personne ne semble vouloir prendre en compte les vies des gens derrière la caméra.

Personne ne veut entendre parler des abus, de l’exploitation, de la violence qui touchent les travailleurs du sexe chaque jour, personne ne veut prendre en compte le fait que nous avons des espoirs, des rêves, de l’ambition.

Non, nous ne sommes que des « putes », des « bimbos ».

Ovidie, ancienne actrice porno, réalisatrice et auteure (Image : CC BY-SA 3.0 My Global Bordeaux)

Je refuse cette situation. Ce que je demande, à la place, est simple. Je veux, tout comme les autres travailleurs du sexe, être traitée avec dignité et respect. Je veux être représentée par la loi de façon égale, ainsi que dans les institutions sociales. Je veux que les gens prennent conscience de notre humanité. Je veux que les gens écoutent notre histoire, nos dialogues uniques.

Lauren reconnaît bien sûr que toutes les actrices porno n’ont pas une expérience aussi positive que la sienne :

Je suis bien évidemment consciente que certaines femmes n’ont pas vécu une expérience aussi positive dans le milieu. Il faut que nous écoutions ces femmes. Et pour ce faire, il faut que nous arrêtions de stigmatiser leur profession, pour la traiter comme une vraie carrière, qui nécessite une surveillance, et des lois pour l’encadrer.

Il faut que nous donnions une voix aux femmes exploitées, abusées dans le milieu. Ce n’est pas en leur faisant honte, en les insultant (le traitement habituel réservé aux travailleuses du sexe), qu’on va y arriver.

(…)

Aux féministes anti-porno : je respecte beaucoup votre opinion. J’aimerais néanmoins que vous réalisiez que vous marginalisez un groupe de femmes en condamnant leurs actions. Pensez que quand vous rabaissez les femmes parce qu’elles pratiquent le travail du sexe, vous les rabaissez ELLES et c’est donc VOUS qui devenez un problème.

De son expérience, la jeune femme tire des conclusions d’une portée bien plus étendue, sur le sexisme et la culture du viol :

Pourquoi traitons-nous les femmes de salopes et de putes ? Pourquoi est-ce qu’un synonyme de « prostituée » est devenu l’une des pires insultes de la langue anglaise ? Pourquoi blâmons-nous les victimes de viol pour l’odieux crime perpétué sur elles ? Pourquoi est-ce que bien des gens demandent avant tout « Elle était habillée comment, cette nuit-là ? » ? Pourquoi condamnons-nous une femme qui a plusieurs partenaires sexuels en-dehors du mariage ?

Heureusement, les insultes et les menaces n’ont pas entamé la détermination de Lauren :

Je vais être diplômée. Je vais poursuivre mes rêves et vais, je l’espère, porter un changement dans un monde pétri de normes de genre et de sexisme.

Essayez donc de m’arrêter.

Pour lire le témoignage dans son intégralité (en anglais) c’est sur xoJane.


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